L’art est un processus ancestral de résilience et de réconciliations intérieures.
Toute ma vie, l’art est venu soutenir et apaiser, ramener la vie à la Vie .
Au sein de mes lignées, se sont produits des drames et des violences restés invisibilisés et non-dits par sidération. Je crée aujourd’hui non pas pour raconter la trame d’un drame familial qui a eu lieu durant mon enfance, mais pour apporter apaisement, offrir création et donner l’élan de ritualiser avec créativité : pour que nos deuils deviennent seuils.
Si les espaces publics s’ouvrent de plus en plus autour des questions sensibles de la santé mentale post-partum et du deuil périnatal, il reste encore des mots ou des situations qui glacent, qui figent, qui éloignent. Le mot « infanticide » fait partie de ces mots imprononçables.
Un matin, en début novembre l’année dernière, je n’ai pas pu faire autrement que sculpter un nouveau-né de terre.
Happée par la création viscérale, c’est une petite fille nommée Maya qui a vu le jour au creux de la rencontre entre mes paumes et l’argile millénaire.
Par Maya, j’ai pu donner sens, traverser, soigner, transmettre, caresser, prendre soin. Gestes rejoués, amplifiés, alchimisés.
Cette enfant de terre est restée à côté de moi, dans l’atelier, et elle m’a offert de transcender des blessures, ouvrir des espaces de paroles avec des proches et ritualiser les deuils invisibilisés.
Je l’ai ornée de fleurs , de pollen , de talismans . Pour les invisibles , j’ai fredonné le chant du cœur et danser pieds nus.
Par la créativité et un accompagnement thérapeutique de qualité, j’ai pu avec Maya, prendre conscience encore une fois de comment aller au-delà de nos drames familiaux et réouvrir par la création, des espaces de paix et de réconciliation dans nos généalogies.
Par l’art et la création, alléger les ombres et revenir inlassablement sur un chemin de beauté et de clarté.
Avec conscience, pudeur et poésie.
Oser aimer au-delà de la mort.
Oser aimer la Vie. Toute entière.
Pour F. et A.
Avec amour et apaisement .
« Mon coeur est fait de branches de sapin
Entremêlées à toutes les saisons du monde
Je dors pour mieux tapisser tes rêves
Et celui du marcheur en quête d’une terre
Où il pourra alimenter son envie d’être libre
De marcher en admirant les courbes des rivières
De nourrir sa faim et d’assouvir sa soif »
Née de la pluie et de la terre, Rita Mestokosho, 2014.


